Souvenirs de deuil






Je n'entends plus rien. Juste le bruit de mes pas sur le sol humide et glacial de la forêt. Je ne sais pas ou je vais. Je marche simplement, perdu dans mes pensées les plus profondes. Du ciel, un vent froid vient me caresser le visage. J'enfouit alors mon menton dans mon écharpe, et mes mains dans mes poches. Ce paysage monotone n'a déjà plus rien d'intéressant. Le chant hivernal des oiseaux n'atteint plus mes oreilles. Les quelques animaux qui se frayent un chemin à travers l'hostile saison des neiges n'attirent plus mon regard saphir. Mes doigts ne s'enivrent plus du contact caractéristique de la peau chaude sur la neige éphémère. Le goût de l'hiver m'est aujourd'hui âpre et fastidieux.

Je rêve de mon passé avec euphorie, y décèle des souvenirs doux et inoubliables, tels que de lointains rires qui me réchauffent encore, malgré le temps glacial. Suis-je encore capable de revivre les douceurs de mon enfance ? Maintenant que j'y pense, c'est certainement impossible. Ils m'ont trahit. Ceux en qui je croyait avoir le plus confiance. Ryû et Sachiko.... Etes vous encore vivants ? Cela fait si longtemps que j'ai pardonné votre traîtrise... Si longtemps que je désire vous revoir rire main dans la main, et partager toutes mes souffrances.

Aujourd'hui, par votre faute, je ne suis plus grand chose... Un simple prisonnier qui même si il peut jouir d'une grande liberté, ne retrouvera jamais plus sa vie d'antan.

Relâchant un soupir, je lève la tête et observe les nuages. Ou est-il, ce soleil placide qui faisait sécher mes larmes ? Troublé par toute ma mélancolie, je baisse la tête et remarque un cimetière à quelques mètres de moi, preuve que j'atteins la lisière de la forêt. Je presse le pas et entre dans le repaire des morts, muni d'une curiosité presque infantile.

De nombreuses tombes tapissent la clairière ; certaines semblent vieilles et abandonnées. Promenant mon regard à travers ce lieu grisâtre et empli de morosité, je l'arrête sur une jeune fille qui semble se morfondre, accroupie.

Tout en m'approchant d'elle, prit de pitié, je constate qu'elle est en train de pleurer, en compagnie d'un chien. Une fois assez proche, je me baisse pour être à sa hauteur, et la regarde sangloter. Ce petit moment d'insistance me coûta une larme, qui suinta sur ma joue avant de tomber à mes pieds. Ignorant ma sensibilité, je dépose ma main chaude sur son dos froid et glisse quelques mots timides à son égard.

-Hé... Ça va aller ?

Espérons que je ne l'effraie pas. Je désire seulement la consoler...

Souvenirs de deuil






Une gifle. Comme ça. Sans raison apparente. Mon approche n'était pourtant pas si brusque... La jeune fille devait vraiment s'être perdue dans ses pensées. Frottant ma joue endolorie, je la regarde d'un air surpris, assis sur le sol.

- Je suis dé-désolée ! J'ai eu p-peur, j'ai cr-cru que c'était un mé-méchant mon-monsieur...
Tient, voilà qu'elle se remet à pleurer. Je pensais qu'elle s'était arrêtée l'espace d'un instant.

-Ce n'est rien.. Absolument rien. J'ai dû te surprendre.

Murmurais-je timidement en replaçant une mèche de cheveux derrière mon oreille. Je me lève, tendant une main à la blonde pour qu'elle fasse de même.

-Excuse-moi de te déranger mais...
Tu as l'air de ne pas aller bien.

Je sais que dans des moments pareils, on n'a pas forcément envie de compagnie. Je sais qu'on préfère souvent cacher ses larmes au monde, et masquer ses faiblesses. Cependant, je n'ais pas le cœur à laisser cette fille seule...Et je le suis bien assez moi même pour passer mon chemin sans rien faire.

-Excuse-moi, ce n'est pas forcément simple
de parler à un inconnu ; laisse moi me présenter.

Dis-je en détournant mon regard bleuté sur le sol.

-Je suis Mitsuki Kyoya. Classe des agresseurs.

Un agresseur, mais particulièrement inoffensif. Tellement, que je rend même les gens inoffensifs autour de moi. Ah, ce pouvoir... Il ne m'aura pas tellement aidé par le passé. Bien au contraire. De plus, il ne me servait pas à grand chose. Peut être aura-t-il plus d'utilité ici ? Je n'en doute pas.. Mais sûrement pas pour me faire des amis. Pour beaucoup de prisonniers, leur pouvoir doit être tout de même une chose importante, à laquelle ils tiennent.. Et sachant que ma présence leur ôte ceci, je ne pense pas qu'ils m'apprécient des masses. Enfin, ce n'est pas important. Je ne suis pas ici pour me faire des amis. Quoi que, cette jeune fille avec qui j'échange quelques mots m'a l'air sympathique. Je peux paraître froid aux premiers abords, mais même la plus petite chaleur peut faire fondre ma carapace glaciale.

Souvenirs de deuil







Je l'observe avec de grands yeux brillants, pendant qu'elle me narre, doucement, ce qui l'avait amené à venir pleurer seule au pied d'une tombe dans la forêt. Cette image avait quelque chose de poétique. Quelque chose de triste également, mais poétique. Ce genre de situation qui me va droit au cœur. Kyandi... Derrière ce personnage joyeux et resplendissant, se cache une grande sensibilité, une profonde tristesse. Elle a l'air d'être ainsi, à vouloir se montrer forte, et vivant avec la peur de ne pas l'être assez. C'est du moins l'impression qu'elle me donne. Ses paroles appuient mon opinion. Quelqu'un est mort en la protégeant. Il est évident que depuis, elle cherche à  se protéger elle-même pour ne pas entraîner la mort d'une autre personne.

« Je ne pense pas que tu sois responsable. Protéger quelqu'un, c'est un choix... Et, tu n'as forcé personne à agir ainsi. Si cet homme a décidé de sauver ta vie, tout en sachant qu'il risquait de perdre la sienne, pour moi tu n'es, en aucun cas, « l'élément qui les as tous tués »... »

Je caresse mon bras et balaie le sol du regard, un peu gêné de donner mon avis aussi librement. Moi qui donne rarement mon opinion sur les choses, j'ai un peu peur de me lancer dans des sujets qui ne me concernent pas.

Je lève les yeux vers mon interlocutrice et prend sa main. J'ai toujours eu moins peur des gestes que des mots. C'est étrange, je crois. C'est souvent l'inverse à ce qu'il me semble.

« Tu... Tu as l'air d'être... Une bonne personne. Honnêtement. »

Sans hésitation, je l'enlace. Comme ça, sur un coup de tête, chose qui ne me ressemble pas. Elle était au moins aussi frêle, aussi fragile que moi. Voir plus. Je n'avais pas l'habitude de croiser des personnes de ma carrure.

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