Encore un peu déboussolé par ce qu'il s'est passé dans la bibliothèque avec Luna et Celeste, je réunis mes affaires et m'apprête a regagner ma cellule. Je n'ai plus la tête a étudier. Et de toute façon, l'heure est passée depuis un bon moment. La lune est déja haute dans le ciel. Cette discussion a été mouvementée et de nombreuses questions s'offrent a moi. Je ne sais pas comment évoluera cette situation. Celeste ... Luna ... Deux femmes, totalement différentes. Pourtant, je sais que je ne pourrais me passer ni de l'une, qui m'apporte un soutien sans faille dans mon projet et est prête a tout pour me servir, ni de l'autre, qui est la première et la seule qui a su m'apprendre a aimer ...

Je referme doucement la porte et jette un regard désabusé sur le couloir endormi. L'ombre règne en maîtresse absolue sur ce long corridor. Les fenêtres laissent apparaître en tâches blafardes la lumière de la pleine lune. La journée, ce couloir est bruyant, toujours pleins de jeunes qui courent et crient, qui vont et viennent, claquant les portes dans une indiscrétion totale. Exposées plein sud, les fenêtre laissent le soleil entrer et inonder d'une lumière crue les murs blancs. Mais ... Tout est si paisible la nuit. Tout est si tranquille, désert. Comme une mélodie muette retraçant l'histoire d'une vie de solitude. Comme une tendre mélopée qui dans un murmure fait frissonner celui qui l'écoute. Tout est si calme lorsque les étudiants désertent le batiment pour savourer la paix d'une soirée après les cours.

Pour ma part ... Je n'aime pas spécialement ce moment. Je ne peux pas étudier 24 heures sur 24, même pour un cerveau comme le mien ce serait une tache incommensurable. Et les travaux pratiques me sont interdits. "Cela pourrait réveiller vos instincts psychopathique Mr Volturi. Je ne peux permettre de nouvelles effusion de sang. Ksiksiksi" m'avais dis la vieille Akumu. Je n'ai rien pu faire que serrer les dents et quitter son bureau en acceptant la sentence. Je ne suis pas encore assez fort pour l'affronter. Il me faut plus de monde.

Rigole tant que tu peux Akumu, rigole. Mon plan est en oeuvre. Bientôt, je prendrais ta place. Un sourire passe fugitivement sur mon visage. C'est bien rare d'ailleurs. A part quand je suis avec Kyandi, je ne souris que très rarement. L'ennui profond que je ressens quand je n'étudie pas a peu a peu fait disparaitre en moi les sources de joies simples. Je ne suis pas dépressif, loin de la. Simplement ... Désabusé du monde qui m'entoure. Je soupire en pensant a l'époque ou une multitude de cobayes vivants s'offraient a moi. L'époque ou je pouvais utiliser toute la puissance de mon don sans crainte de me faire découper par une sadique a la tronçonneuse. Cette époque bénie ou ma recherche sur les limites du corps humain avançaient.

Je secoue la tête et me sors de ma rêverie. Vérifiant une dernière fois mon sac, je m'engage dans le couloir, pour rejoindre l'escalier qui est a l'autre bout, sans prendre la peine d'allumer la lumière malgré la noirceur. Après tout, j'empreinte ce couloirs tous les jours.

Je m'aprête a traverser le couloir pour regagner ma cellule quand un gemissement tout proche me fait stopper net.

Qui peut bien être présent a cette heure la ? C'est assez inhabituel. La plupart des élèves sont soit trop occupé a se détendre pour penser a étudier, soit trop effrayé par moi pour oser m'interrompre a ce moment de la journée. Serait-ce un professeur ? Possible, même si les cours se font rare dans cette partie de l'établissement. Et ce n'est pas encore l'heure de l'entretien.
Luna alors ? Non. Elle est encore dans la bibliothèque. Je l'y ai laissée, assoupie. La pauvre a été tellement épuisée par notre conversation et la scène qui s'en est suivie qu'elle s'est endormie sur le divan. Je suis resté un moment a la regardé.
Un léger sourire soulève un court instant les pans de ma bouche. Luna ... Celeste ... Je ne veux plus me passer d'elles. Ne peux plus. Ni de l'une, ni de l'autre ...
Je secoue la tête pour chasser ses pensées parasites. Il faut vraiment que je me ressaisisse !

J'avance d'un pas décidé, décidant d'ignorer ce que j'ai entendu, ou peut être simplement cru entendre. Quand a la lumière d'une fenêtre, je remarque une grosse trace de sang sur le mur et s'étendant sur le sol. D'après les traces, des veines importantes ont été touchées. De l'autre coté de la mare de sang, je vois un jeune homme dans la pénombre. Du moins, il me semble que c'est un jeune homme. Je n'en ai aucune certitude, il fait bien trop sombre. SOn visage reste dans l'ombre, mais je vois ses yeux briller. Il a un regard fatigué, presque vide, comme .. Comme désabusé. Mais ... Mais une lueur y brille. Je suis incapable de définir ce que c'est.

La ou les trois quarts de son corps sont plongé dans l'ombre, les rayons de la lune éclairent tout de même un pan de sa chemise, maculé de sang ainsi que son poignet, totalement déchiré d'ou coule un gros flot de sang. Je secoue la tête en soupirant.
Si je ne fais rien pour lui, Akumu va m'accuser et je vais encore avoir droit a une de ses sentences. D'un autre coté, la vue de ce poignet déchiqueté éveille mon intérêt scientifique et mes envies d'en connaitre plus sur la douleur de l'homme. Je n'ai pas souvent l'occasion de voir ce genre de blessures ici, l'infirmière est un peu trop douée et rapide a mon gout. Et Akumu ne me laisse plus approcher de l'infirmerie.

Le jeune homme me fixe lui aussi, me voit-il ou bien est-il pris dans un tourbillons de pensées ? A t-il seulement remarqué que je suis la, devant lui ?

Je suis obsédé par la plaie que j'aperçoit. Je n'en discerne pas les détails, c'est vrai, mais l'odeur acre du sang m'ennivre. Je me décide a rompre le silence :

"- Tu as mal ? Dis moi, est ce que ça te fait mal ? Je pourrais te soigner si tu veux, mais réponds d'abord a ma question. Est ce que ton poignet te fait ... mal ?"

Un sourire s'empare de moi tandis que je sens l'etincelle de la folie poindre dans mon esprit. Non, il faut que je me calme ... Son nom. Je dois lui demander son nom ... Mais avant ... Est ce que ça fait mal ? Il doit me le dire. Je dois savoir.

"- O-Oui je souffre, beaucoup. Qui êtes vous? Etes vous vraiment capable de... m'aider?"

J'essaie de garder la tête froide mais il y a si longtemps que je n'ai pas vu de blessure autrement que dans mes livres que j'ai du mal a cacher mon excitation a la vue du sang et des chaires déchiquetées. Le jeune homme devant moi envoie des signaux contradictoires. Tout dans ses gestes m'amènent a penser qu'il souffre réellement et qu'il a besoin de soin, mais pourtant, son regard, légèrement enfiévré, comme emprunt d'une folie douceâtre qu'il tenterais de dissimuler derrière un masque de neutralité, et sa voix qui se veux suppliante mais qui vibre légèrement, comme saccadée par l'excitation et la souffrance ...

J'inspire profondément et le fixe, ayant repris un semblant de contrôle sur mes pulsions.

"- Oui. J'ai le don de soigner ou ..."

Je m'arrête momentanément. Non. Si je lui dis tout il refusera que je le touche, par peur que j'aggrave sa blessure et ne lui fasse encore plus mal. Akumu me surveille, je dois faire très attention ...

"Humm. Tu veux que je te guérisse ? Cela ne te fera pas mal. Laisse moi ... Laisse moi juste toucher ta blessure. Elle a l'air profonde ... Et extrêmement douloureuse ... Je ..."

Je sens mon cœur s’accélérer et quelque gouttes de sueurs perler sur mon front. C'est plus difficile que je ne l'imaginais de résister a cette tentation, de lui déchirer les chaires et brises ses os ... D'affoler dans un ouragan de douleur la moindre de ses terminaison de souffrance pour l'entendre pousser ses cris de douleurs si exquis. Difficile de ne pas imaginer la plus petite veines éclater dans une gerbe de sang, ses muscles se déchiqueter lentement ... De voir son bras se réduire en bouillie dans la plus intense géhenne de mon don.

Je frémis un court instant et tentant de cacher le sourire carnassier qui s'empare de mon visage murmure doucement :

"- Donne moi ton bras ... Donnes le ... Je ne te ferais ... Aucun mal."

L'attente ne dure que quelque seconde, pourtant c'est comme si le temps s'était arrêté. L'opportunité de sentir la blessure de ce garçon, de me plonger dans son corps pour le réduire en charpie est si intense que j'ai l'impression que les secondes s'étendent jusqu'à devenir des heures, des mois, des siècles ...

Un tressaillement, a peine perceptible, un simple petit geste si discret qu'il me semble l'avoir rêvé dans la pénombre de ce couloir, a peine éclairé par les quelques rayons de lune qui percent encore a travers les fenêtres. J'ai cru voir un rictus sur ses lèvres. Un sourire ? Je n'en ai aucune certitude. Ses lèvres au rouge rappelant celui du liquide de vie qui coule dans nos veines sont de nouveaux totalement immobiles dans l'attente d'un geste de ma part. Je ne peux m'empêcher de laisser mon regard s'étendre sur ce jeune homme. La moitié de son visage est toujours dans l'obscurité, seules ses lèvres sont visibles, comme un appel au baisé, ou bien au cri, ou a je ne sais quelle marque de sentiments quel qu'il soit. Son corps fin et dégingandé, il est agréable a regarder je dirais, un physique gracieux. Et puis son bras ... Son poignet déchiré ... Toute mon attention se fixe sur cette partie de son corps, le reste m'importe peu, rien d'autre ne compte.

"- Vas-y, fais en ce que tu désires " m'as t-il dis. Quelle surprise ! Serais-ce un de ses enfants naïfs prêt a donner leurs confiance au premier venu, persuadés que le monde est beau et pur ? Ou bien tente t-il de me tester, de voir jusqu'ou je peux aller, d'en savoir plus sur moi ? Ou encore peut être est-il simplement blasé de tout dans cette prison ... ? Je n'en sais rien, mais je ne résiste pas, j'empoigne son poignet. Il y a du sang partout, pourtant, dans la faible clarté il me semble que la blessure est moins grave que je ne l'ai cru. Les chaires ne sont pas aussi déchiré que je l'ai vu au premier abord. Ce n'est pas normal. Au vu de la quantité de sang, ce devrait être plus grave, plus profond.

Je ferme un court instant les yeux et sonde son corps. Aucune blessure hormis celle du poignet. On croirait un bébé qui viens de naître. Aucune cicatrices, aucunes anomalies, aucunes fractures ressoudées, aucune maladie. Son corps est vierge de toutes blessures quelle qu'elle soit. Je laisse mon don se propager en lui jusqu’à se fixer sur la blessure de son poignet. Je vais le soigner. Je ... Je ... Je perds le contrôle brusquement et agrandis la plaie que j'étais sensé soigner, la prolongeant d'une dizaine de centimètre sur son bras, sentant avec délectation les veines éclater, les nerfs s'affoler, les muscles s'ouvrir, le sang couler sous l'effet de mon don. Il faut que je me calme ... Je n'y arrive pas, la profondeur de la plaie s’accroît, s'enfonçant dans les couches de chaires et de muscles presque jusqu'a l'os.

Je serre les dents en sentant son périoste se fendiller et son radius se fêler légèrement et le lâche brusquement, essoufflé, en sueur, épuisé d'avoir du lutter contre mes instincts et de la quantité d’énergie relâchée sans faire attention. Je n'ai rien entendu, rien senti, le monde a cessé d'exister le court instant ou je me suis laissé aller. Tentant de reprendre mon souffle, je balbutie :

"- Je ... Je suis désolé ... Je n'aurais pas du. Je vais te soigner. Akumu ne doit rien savoir. Promet le. Si tu en parle, je te fais bien pire que tout ce que tu peux imaginer."

"- Alors peut-être que l'on pourra bien s'entendre mon prince."

Je reste interdit, ne sachant quoi répondre. “Mon Prince” ?  Mais qui est-il, que veux t-il ? Pour qui se prends-il même ! Même si l'idée d'être appelé prince réveille en moi de vieux fantasmes narcissiques, je ne comprends pas ce qu'il veux. Il s'approche de moi après quelque secondes et me murmure d'une voix presque extatique, mais étrangement envoutante :

"- Vois tu ... Peut être que dans ces conditions j'irais tout raconter a notre chère directrice. Peut être qu'avec un peu de chance j'aurais une double punition."

Je commence a croire que ce garçon est juste complètement dérangé, qu'il n'a aucune notion du danger, ou bien qu'il se veux simplement provocateur.
Le voir passer langoureusement sa langue sur son poignet pour en récupérer le sang en poussant un gémissement de plaisir me fait comprendre que j'ai a faire a un être pour qui la douleur est devenu un salut. Les chaires déchirées de sa blessure se referment sous mes yeux ébahis tandis qu'il me lance un sourire et un regard sans équivoque : Il me mets au défi.

Il ne sais visiblement pas qui je suis. Il n'a aucune idée des choses que j'ai faites au cours de ma recherche sur les limites de l'être humain, ces choses que je brule de faire subir a chacun des cobayes en puissance dont regorge cette institutions. Ces choses qui me sont interdites, mais que la frustration de ne pouvoir les accomplir les rends encore plus intenses.

Je lui jette un regard qui se veux dur et d'une voix cinglante lui réplique, en agrippant son poignet réparé :

"Si tu me dénonce a Akumu, tu ne pourras plus subir ..."

Je  me concentre brièvement et dans une onde de rage lui brise ce poignet qui il y a encore quelque minutes était en charpie, lui félant deux cote sous le coup de la haine que j'éprouve a ce moment.

"- ... ce genre de choses."

Le lachant, je le toise du regard, fichant le glacial de mes yeux dans son regard brulant et lui demande, incisif et haineux :

"- Qu'est ce que tu veux ?"